Le multiculturalisme échoue, l’interculturel ouvre une voie.
- Alain CABRAS
- 16 sept.
- 3 min de lecture
Le monde s’embrase petit à petit et les sociétés occidentales démocratiques, déjà secouées par des crises climatiques, guerrières et financières majeures, entrent dans des convulsions culturelles et identitaires existentielles.
La société française, pour sa part, est plurielle. C’est un fait social et politique.
Certains peuvent s’en sentir accablés et vouloir vivre dans la nostalgie de la France d’avant, d’autres le nier par intérêt ou cécité et enfin, d’autres encore s’en réjouir pour faire table rase d’une histoire et de valeurs détestées mais, c’est un fait, la société française a changé et elle est définitivement plurielle. Nolens volens.
La question, désormais, est de savoir comment penser/panser cette pluralité et conjuguer le verbe « vouloir » du « vouloir vivre ensemble », l’expression « le » vivre-ensemble n’étant qu’un effet de communication pour éviter soigneusement d’avoir à « le » nommer.
Pour ordonner cette pluralité et ses chocs identitaires, notre époque a produit deux réponses pour bâtir un « Nous » qui s’affirme comme clivage violent : le multiculturalisme et l’interculturalisme. Et il va nous falloir choisir !
Si, à la base, ces deux voies ont en commun d’être pour une société démocratique et humaniste où cohabitent des personnes et des groupes de cultures différentes, elles s’éloignent sur quatre points fondamentaux et irréconciliables.
1 - Le rôle du cadre culturel de la société d’accueil : le multiculturalisme estime que le cadre est plus impermanent que permanent donc négociable ; l’interculturalisme le considère comme plus permanent et valorise sa stabilité pour savoir bien ou mieux accueillir la « différence culturelle ».
Dans l’idéologie du multiculturalisme, le cadre est l’objet d’une concurrence interne entre groupes de cultures différentes pour le modifier ( par exemple en commençant par la langue ou la religion), dans celle de l’interculturalisme, il est la référence à adopter, en priorité, pour s’y adapter.
2 - Le rapport aux droits politiques : l’interculturalisme c’est le droit à la différence. Le multiculturalisme c’est la différence des droits.
L’interculturalisme ne promeut « que » le droit à la différence, comme seule condition de réciprocité entre acteurs dans une même société. Le multiculturalisme estime que ce droit à la différence est factice et que cela appelle nécessairement une étape suivante : la différence des droits pour les minorités présentes et celles du passé de France, du Royaume-Uni, des Etats-Unis, etc...
3 – L’enseignement de l’histoire dans l’éducation, le clivage se manifeste à travers le combat de plus en plus marqué pour la transmission des savoirs. Dans l’approche interculturelle, les savoirs sont adossés à l’histoire et aux mythes fondateurs de la société d’accueil, là où il s’agit de transmettre des mémoires concurrentielles archipélisées, teintées d’un certain savoir historique, pour la version multiculturaliste.
4 - La définition du collectif et de la cohésion. Le clivage oppose l’unicité interculturelle qui cherche l’union en préservant les singularités et valeurs des personnes à l’unité multiculturelle qui les efface au profit du rapport de force entre communautés, et la quête de l’unité pour chacune.
De ce fait, dans l’approche interculturelle, la cohésion n’est pas une option, elle est même une obsession. Dans l’approche multiculturelle, la cohésion est le résultat de compromis permanents et d’accommodements « raisonnables » négociés quand c’est possible, arrachés au besoin.
Désormais, c’est le cœur du réacteur de la culture qui est au centre du clivage car les revendications identitaires sont exponentielles en France et en Europe (cf. les 110000 manifestants au Royaume-Uni ce week-end et ceux d'Irlande depuis le début de l'année, sans parler des pays scandinaves depuis deux ans) entre refus de la culture d’accueil et peur de perdre sa culture des deux côtés.
Et nous allons être sommés de choisir.
Pour ma part, j’ai choisi d’être interculturel.
J’ai choisi d’être interculturel au nom de l'Histoire de France si riche, de valeurs républicaines, laïques et humanistes, de la condition féminine toujours plus en danger, de la volonté de vivre ensemble et de faire cohésion dans le multiple.
J’ai choisi d’être interculturel au nom du respect de chaque nation, pays ou groupe humain d’être souverain de son propre destin, de ses préférences collectives, tant qu’il reste ouvert aux autres et accueille du mieux qu’il le peut ceux qui sont différents, mais jamais au détriment de ce qui est légitime ni légal pour lui.
Je choisis d’être interculturel par refus de nourrir de près ou de loin, la lâcheté ou la folie qui amènerait une guerre identitaire faites de mémoires vengeresses, de revendications dont l’ultime but serait l’anéantissement de ce qui n’est pas soi.
Je refuse cette guerre civile qui s’annonce et dont aucun de nous ne sortira indemne.
La République doit devenir interculturelle pour que la France entre enfin dans le XXIème siècle et ferme la porte au multiculturalisme grégaire et communautariste qui la fragmente.
Il y a urgence.
Alain CABRAS
16 septembre 2025

Photo : [KEYSTONE - TAYFUN SALCI]
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